Biographie

JEAN GIONO
30 mars 1895 – 9 octobre 1970

Dans le paysage littéraire du XXe siècle, Giono, figure dominante, est pourtant à part. 
Né et mort à Manosque, il ne quitte la ville qu’épisodiquement, et contre son gré. Dès 1911, il se voit contraint de quitter le collège afin d’aider sa famille financièrement et devient employé de banque. Sa culture littéraire, il l’a créé seul en se procurant les œuvres classiques, uniques ouvrages à l’époque accessibles pour ses faibles moyens.
Jean Giono est un voyageur immobile et déteste les grandes villes, surtout Paris. L’atmosphère de l’édition l’indispose et il a assez peu de relations littéraires.  Il ne se verra d’ailleurs jamais décerner un prix littéraire français important. Toutefois, il reçoit en 1929, le prix américain Brentano pour Colline, ainsi que le prix Northcliffe en 1930 pour son roman Regain

On le décrit comme un paysan, une sorte de chauvin, alors qu’il ne parlait même pas le provençal, et même comme un écrivain régionaliste, bien que la moitié de ses livres soient situés dans les Alpes, en Italie, ou sur l’océan. Resté à l’écart des courants, se plaçant même à contre-courant et n’ayant pas cherché à exercer une influence littéraire, ni à dégager la théorie de son écriture, il est inclassable

Giono de 1895 à 1935
Traumatisme de 14 et célébration de la nature

Venant d’une famille très modeste, il est le fils unique d’une repasseuse et d’un cordonnier. Son enfance est pauvre et heureuse. Pour lui c’est un âge d’or dont il fera revivre l’atmosphère, directement ou indirectement, tout au long de sa vie. Ce bonheur est fracassé par la guerre de 14.

Mobilisé pendant plus de quatre ans, dont plus de deux au front dans l’infanterie – Verdun, le Chemin des Dames, le Kemmel, il en sort indemne mais viscéralement pacifiste. Démobilisé, il se marie avec Elise Maurin, une jeune institutrice et aura avec elle deux filles, Aline et Sylvie.

Depuis son plus jeune âge, Giono a toujours aimé inventer des histoires, et a très tôt voulu écrire. Il s’exerce d’abord avec de petits textes, puis publie des poèmes et achève son premier roman Naissance de l’Odyssée en  1925. Celui-ci sera tout d’abord refusé par la maison d’édition Grasset pour sa construction peut être trop proche d’un jeu littéraire et ne sera publié qu’en 1930. Giono revient alors en 1929 avec Colline , l’oeuvre qui le lança sa carrière d’écrivain. Il peut alors quitter la banque et vivre de sa plume : Grasset et Gallimard se le disputent.

Giono de 1935 à 1950 : pacifisme et années de guerre

De 1935 à 1939, l’éclairage change : le nazisme s’élève et la guerre menace. Pour la seule fois de sa vie, l’anarchiste Giono s’engage. D’abord pour la paix : il milite comme pacifiste intégral, et proclame que si un conflit éclate, il n’obéira pas. Proche des communistes pendant quelques mois, il s’en sépare rapidement. Un acte qu’ils ne lui pardonneront pas.

Mais son combat est plus général : il est dirigé contre la civilisation technique moderne et annonce l’écologie. L’auditoire est large. Un roman comme Que ma joie demeure (1935), un essai comme Les Vraies Richesses (1936) enthousiasment nombre de jeunes.

Autour de Giono, de septembre 1935 à l’année 1939, se tiennent au Contadour, sur les plateaux de Haute-Provence, des réunions d’esprits libres qui lui valent une réputation de gourou injustifiée.

En septembre 1939, la guerre éclate. C’est un échec pour Giono, l’effondrement de ses illusions. Il s’est cogné au réel et n’a sauvé personne. Désespéré de devoir être infidèle à son engagement, il accepte d’être mobilisé pour ne pas laisser sa famille sans ressources. Cependant à son arrivée à Marseille, il est arrêté et incarcéré pendant deux mois pour ses activités pacifistes. Libéré, il abandonnera toute action et toute prédication, et prendra ses distances avec le Contadour.

La période de la guerre est difficile. Giono ne parvient pas à finir les romans qu’il commence et est à court d’argent. Il fait de sa maison un refuge et recueille des personnes juives, communistes ou appartenant à la résistance. En 1943, il écrit une pièce de théâtre, Le Voyage en calèche, où le héros résiste à une occupation étrangère. La censure allemande interdit la représentation, mais nul ne le sait. L’opinion retient seulement qu’un hebdomadaire pro-allemand a publié un roman de lui, commencé avant-guerre et sans aucune implication politique.

Giono de 1951 à 1970 : grands cycles romanesques et découverte du cinéma

Suite à la Libération, en septembre 1944, Giono est à nouveau arrêté et passe cinq mois en détention sans aucun motif précis. Le Comité national des écrivains le met sur la liste noire des écrivains, lui interdisant toute publication. Il est classé, à tort, parmi les « collaborateurs », lui dont on ne peut citer un seul mot pour le nazisme ou pour Vichy. Il refuse de répondre aux accusations. Sa seule défense sera d’écrire pour remonter la pente. Il ne sera retiré de la liste qu’en 1947.

Pendant sept ans, il suit sa voie primordiale, le roman, en se refusant à « faire du Giono ». Il ne centre plus ses livres sur la nature, mais sur les hommes et leur véritable nature.

Avec le succès du Hussard sur le toit en 1951, Giono reprend sa place d’écrivain de premier plan. Il est élu à l’Académie Goncourt en 1954. Il est devenu un sage, un lettré plein d’humour. Il se change du roman en écrivant des livres de voyage, de comptes-rendus judiciaires, d’histoire, auxquels il impose sa marque personnelle. Il donne des chroniques d’humeur à des journaux de province et se permet désormais de voyager – Ecosse, Espagne, surtout Italie – et de faire des séjours à Majorque.

Giono s’oriente également vers le cinéma, écrivant des scénarios, des dialogues, faisant même de la mise en scène. Ses romans, plus espacés, gardent leur intensité, leur poésie, leur vivacité de narration (Ennemonde, 1964, Le Déserteur, 1966, L’Iris de Suse, 1970).

Dans la nuit du 8 au 9 octobre 1970, l’auteur Jean Giono meurt dans son sommeil. Sur sa table de travail, il laisse le manuscrit  De certains parfums, un texte retraçant à travers l’odorat, l’histoire des cinq sens dont il avait toute sa vie célébrés les délices.

  • Extraits du texte de Pierre CITRON (Présentation parue dans le catalogue Célébrations nationales 1995, Paris, Direction des Archives de France, 1995, p.167).

  • Crédits photos : Coll. AAJG