Un roi sans divertissement, et autres romans
A l’occasion du cinquantenaire de la mort de Jean Giono, Gallimard propose l’édition d’un tirage spécial de la Pléiade Un roi sans divertissement, et autres romans (voir plus pas bas pour le contenu du volume). Ci-dessous quelques mots de l’éditeur sur l’un des romans phares de Giono, Un roi sans divertissement.
« Si j’invente des personnages et si j’écris, c’est tout simplement parce que je suis aux prises avec la grande malédiction de l’univers, à laquelle personne ne fait jamais attention : l’ennui. » À en croire Giono, l’écriture n’aurait été pour lui qu’un divertissement. Non pas un simple jeu, entendons-le bien, mais le moyen de n’être plus « l’homme plein de misères » dont parle Pascal.
Démobilisé en 1918, très marqué par la guerre, Giono retrouve à vingt-trois ans son poste d’employé de banque à Manosque. Une décennie s’écoule au cours de laquelle il passe son temps à rédiger, en marge de son travail, des fiches descriptives révélant l’essence véritable des clients de la banque. « Une excellente école », selon lui, pour la « connaissance du cœur humain ». Puis, en quelques mois, il écrit Colline (1929). Le monde des lettres se dispute la publication de ce premier diamant rocailleux. C’est une révélation, et une rupture ; chose alors singulière, ce roman poétique (ou conte) est composé d’un bout à l’autre au présent de l’indicatif. L’atmosphère sacrificielle qui hante ces pages d’une extrême sécheresse n’en est que plus brutale. Cinq ans plus tard, Le Chant du monde s’apparente à un roman d’aventures autant qu’à un récit mythologique, nouvelle Iliade au rythme cosmique, où l’homme et la nature fusionneraient d’une manière spontanée. Mais l’Histoire gronde de nouveau. Giono prône un pacifisme absolu, qui, en 1939, le conduit en prison. Libéré, il s’attelle à ce qui devait être une notice destinée à accompagner sa traduction de Moby Dick. Puis le projet dévie. Pour saluer Melville (1941) devient un roman dont Melville est le héros. Et un passage dans l’œuvre de Giono, entre les romans où la nature était au premier plan, créant un Sud imaginaire, et les œuvres qui mettront en scène un théâtre des passions, foisonnant de monstres (d’orgueil ou de générosité…).
Après la Seconde Guerre (et une seconde incarcération), l’œuvre de Giono bascule en effet. Il est pris d’une extraordinaire fièvre créatrice. Un roi sans divertissement (1947), écrit en quarante jours, est, selon Pierre Michon, « un des sommets de la littérature universelle ». Un sommet aussi dans l’art si gionien de rendre les silences éloquents et les ombres éclairantes. L’aventure se niche dans les phrases dont on ne saurait deviner la fin, les séquences sont montées avec une hardiesse incomparable, les niveaux de langue juxtaposés avec la plus grande aisance — et la tension narrative est portée à son paroxysme. Langlois, justicier paradoxal, « porte en lui-même les turpitudes qu’il entend punir chez les autres ». Il éprouve comme Giono la nécessité du divertissement, dont le crime, comme l’écriture (et la lecture), est une forme.
« Giono est-il le plus grand romancier de ce temps ? » se demandait Roger Nimier en 1952, l’année du Moulin de Pologne, roman du Destin (et chef-d’œuvre trop peu lu). Une chose est sûre : Giono est un grand romancier de tous les temps, un artiste « du désordre et de la démesure ». Le fréquenter, c’est faire une inoubliable expérience de lecture. Ceux qui reviennent sans cesse à ses livres le savent. Quant à ceux qui auront attendu le cinquantième anniversaire de sa mort, survenue en 1970, pour s’en emparer, on les envie.
Tirage spécial de la Pléiade : Ce volume hors numérotation, présenté sous un coffret illustré, contient : préface, jalons chronologiques, avertissement — Colline ; Le Chant du monde ; Pour saluer Melville ; Un roi sans divertissement ; Mort d’un personnage ; Faust au village ; Le Moulin de Pologne ; L’Homme qui plantait des arbres ; Ennemonde et autres caractères ; L’Iris de Suse — Notices et notes, bibliographie.
Préface de Denis Labouret. Textes établis, présentés et annotés par Pierre Citron, Henri Godard, Janine et Lucien Miallet, Luce Ricatte et Robert Ricatte.
Un volume, relié pleine peau sous coffret illustré
Format : 104 x 169
Nombre de pages : 1360
Prix : 66€
Prix de lancement : 60€ jusqu’au 31 août 2020
Date de mise en vente : 12 mars 2020
Éditions Gallimard
Illustration : burins d’Antoine Decaris, extraite de Un roi sans divertissement – Edition française illustrée, 1948